Je remonte donc à pied, en empruntant le même chemin que plutôt dans mon aventure, l’avenue Wagram. Je reconnais le coiffeur devant lequel Chantal et Sylvie s’étaient arrêtées. Je rentre et demande à la jeune femme qui vient à ma rencontre si elle sait qu’elle boutique occupait ces lieux avant eux. Mais la jeune femme ne sait pas et sa patronne n’est pas là et elle est franchement désolée de ne pouvoir m’aider, s’excuse de mille façons et du coup je n’arrive plus à m’en débarrasser. Je ressorts enfin et continu mon périple. Je reconnais la porte cochère qui abritait les escaliers qui montaient chez Chantal. Mais il y a un digicode à présent pour ouvrir la porte. Je reviendrais plus tard, pour le moment je me rends chez Charlie.
Je sonne à son interphone, bien que je connaisse le code afin de la prévenir que je monte. Arrivée au troisième, la porte de son appartement est ouverte et elle m’attend, en peignoir de soie rouge avec des chaussures à défier la loi de la gravité. Elle est maquillée, manucurée et coiffée d’un chignon très sophistiqué.
-Entre chérie, je t’attendais, mais dans vingt minutes je dois me rendre à une inauguration d’un peintre génial, inconnu mais qui dans quelques jours sera la coqueluche du tout Paris, j’en suis sûuuure !
Bien que je ne sois pas petite, 1m70, elle me dépasse facilement de quinze centimètres (les talons font toute la différence !).
-Alors, que me vaut le plaisir de te voir en plein milieu de l’après midi un mercredi ? Tu ne devrais pas être au cours d’escrime de William ?
Oh zut c’est vrai j’ai oublié le temps et à 16 heures comme tous les mercredis je dois accompagner mon fils de 12 ans à son cours d’escrime. Je regarde ma montre, 15h45 ! Et zut zut et re-zut ! Le cours de William a lieu dans le quartier de la Bastille, autant dire que je n’y serais jamais. J’attrape mon téléphone et appelle mon fils.
-Oui c’est moi. Je suis toujours en rendez-vous, tu prends le métro tout seul, t’es prudent, tu te tiens loin des rames, tu ne parles à personne et j’arrive dans une heure à ton cours.
Il semble ravi que je le laisse prendre le métro tout seul, et moi ça y est je suis folle d’inquiétude, quelle mère indigne, en plus je lui ai menti. Je suis pleine de remords, prête à abandonner Charlie sur place pour voler au secours de mon bébé.
-Je n’en crois pas mes oreilles ! Tu lui as bien dit de prendre le métro tout seul ? Oh là quel grand moment, ça y est tu t’aperçois qu’il n’a plus deux ans mais douze ? Ce que tu as à me dire doit être drôlement important ! Alors vas y je t’écoute, d’autant plus que moi aussi je suis un peu pressée.
Je commence par le début, la recherche de mon inspiration avec mon plateau de fruits de mer à la Brasserie et je lui raconte dans le détail toute l’histoire. Elle m’écoute religieusement mais je vois dans son regard au fur et à mesure que j’avance dans mon histoire qu’elle se demande ce que j’ai bien pu boire, voire fumer !
-Je vois bien que tu ne me crois pas Charlie, mais attends j’ai des preuves, des photos et même un film.
Je sors mon téléphone, vais dans mes images et affiche la première photo, bon pas trop d’intérêt la fresque, je défile et lui montre celle où l’on voit les quatre amis, tout seul dans la rue. Elle regarde la photo, me rend mon téléphone après avoir fait défilé les suivantes, me regarde dubitativement et après un silence qui me paraît durer une éternité elle me lâche sans ménagement :
-Ma chérie il va falloir que tu prennes une cure de repos ! Je m’occupe dès demain de te réserver une semaine à Ouarzazate, tu vas voir au milieu du désert, personne pour te perturber, pas de mari ni d’enfant et un spa à te faire tout oublier. Je m’occupe de prévenir ta belle-mère pour qu’elle s’occupe de ton petit monde pendant ton absence, ne t’inquiète de rien. Je te dépose au club d’escrime, tu récupères William, tu ne parles à personne d’autre de ton aventure, fais moi plaisir, et tu prépares ta valise, je t’envoie par mail les détails de ton voyage.
Elle est comme ça Charlie, elle décide de tout pour vous sans que vous ayez votre mot à dire, et le pire c’est que souvent elle a raison et fait toujours très bien les choses. Mais là, non ce n’est pas possible, elle n’a pas vu les photos, regardé le film ? Quoi ? Elle pense que je suis allée au cinéma et que je la fais marcher ?
-Mais Charlie, t’as bien vu les photos, personne dans les rues à part Chantal, Sylvie, David et Marc ! Toutes les photos que j’ai prises dans l’appartement….
-Tu sais que tu ne peux pas prendre les gens dans la rue en photos comme ça sans leur consentement, et le serveur, il t’a tapé dans l’œil, quinze photos de lui et puis bon les photos des toilettes de la Brasserie La Lorraine, ok elles sont propres mais sans grands intérêt, ma chérie, excuses moi.
Je suis abasourdie ! Visiblement elle ne voit rien de ce que moi je vois ! Elle a peut-être raison, j’ai besoin de repos. Avec le baccalauréat d’Emma, qui nous en fait voir de toutes les couleurs, William qui est en train de rentrer dans sa période d’adolescent rebelle et Philippe qui prépare SON exposition, je suis peut être en train de craquer. Mais dans tous les cas je ne partirais pas à Ouarzazate demain.
Ok, elle ne veut rien savoir, je lui promets de me reposer la fin de la semaine à la maison et je lui dis qu’elle a surement raison, ce qu’elle aime entendre par-dessus tout. Elle file s’habiller, revient vêtue d’une robe fourreau à faire craquer tous les hommes de la soirée, elle est tout simplement sublime. Nous montons dans son cabriolet dont le toit est fermé, eût égard à son chignon. Elle me dépose au cours d’escrime de William, m’embrasse et me fait promettre de rester à la maison, de jardiner et de tout oublier.