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3 août 2015 1 03 /08 /août /2015 05:02

A vrai dire je les talonne pour ne pas perdre une miette de leur conversation car elles chuchotent presque. Heureusement que je leur suis invisible ! Je ne sais pas comment cela est possible, mais elles évitent toutes les personnes qui sont figées sur le trottoir tout en ne les voyant pas. D’ailleurs j’ignore complètement ce qu’elles voient de leur côté.

Chantal est visiblement toujours très amoureuse d’un certain Jean-Marc qui pourtant l’aurait fait souffrir alors que Sylvie, elle lui conseille de l’oublier dans les bras d’un certain Rocky. Sylvie, elle, semble être tombée sous le charme d’un Pierre dont Chantal en dit les pires horreurs. Qu’il n’est pas fréquentable, que c’est un voyou, qu’il n’est pas fait pour elle et il semblerait que Chantal ait dit ses quatre vérités à ce Pierre. Sylvie lui en veut un peu d’ailleurs pour ça mais en même temps elle lui avoue qu’elle a certainement raison. Oh lala ! Tout cela est bien compliqué et sans grand intérêt me semble-t-il. Alors pourquoi le destin me met-il dans cette situation ?

En fait, je suis en train de rêver et je vais me réveiller, rouge de honte à la terrasse de la Brasserie que tout le monde aura déserté. Je ne vois pas d’autre issue. J’essaie de me réveiller, je me fais un mantra « om mani padme hum » et je visualise très fort ma table à la brasserie... Mais non rien ne se passe, je suis toujours derrière ces deux jeunes femmes sorties d’un autre temps. Elles s’arrêtent devant la devanture d’un coiffeur et pointent du doigt le poster d’une magnifique créature. Tient, elles la connaissent ? Sylvie explose de rire et dit qu’elle la préfèrerait en rouge alors que Chantal la veut en vert. Je suppose qu’elles ne parlent pas du mannequin, ni même de sa coupe, mais plutôt d’une robe ou d’une jupe. J’en déduits donc qu’avant d’être un coiffeur de renom cette boutique était un magasin de vêtements.

Puis elles s’engagent sous une porte cochère, empruntent un escalier qui les mène au 3ème étage. Je décide de les suivre. Chantal sort des clefs de son sac, qu’elle introduit dans la serrure, mais la porte est déjà ouverte. Elle pousse la porte avec un air intriguée et Sylvie entre la première. Chantal hésite à entrer. Elle demande à Sylvie si tout va bien mais aucune réponse ne nous parvient. Elle s’avance sur le seuil de l’appartement. Qu’est ce que je fais, je rentre ? Quel est l’intérêt, si ce n’est de la curiosité pratiquement malsaine. En même temps, il faut l’avouer, je suis une grande curieuse.

J’en suis là de mes réflexions quand je vois Sylvie trébucher, tomber dans les bras de Chantal avec une tâche rouge dans le dos. Chantal hurle et titube à son tour, la même tâche au niveau de sa poitrine vient de se former. Mais je ne vois rien, pas de couteau, pas de coup de feu, je ne vois même personne ! Par contre… Oui j’entends ! J’entends des pas dans l’escalier et la lourde porte cochère se refermer juste après. Qu’est ce que je peux faire ? Je me penche sur Chantal mais je n’arrive pas à la toucher comme si une force invisible m’en empêchait.

- Le salaud, il m’avait pourtant juré que cela lui était égal, pourquoi ?....au secours…. au secours. Je pensais qu’il m’avait pardonné.

Mais déjà sa voix s’affaiblit.

-Sylvie… Sylvie s’il te plaît réponds moi… Mon Dieu que cela fait mal… Sylvie ? Au secours !

Je vois une larme couler sur sa joue. Je me sens démunie, impuissante, elle ne me voit pas, je ne peux pas la toucher, le téléphone portable ne passe pas et même si je descends dans la rue personne ne me verra, ne m’entendra ! Sylvie semble déjà morte, je ne vois plus sa poitrine se soulever. Quant à Chantal elle commence à s’étouffer certainement avec le sang qui emplit ses poumons.

- Sylvie réponds moi pour l’amour de Dieu, Oh pardon Sylvie tout cela est de ma faute, ne m’abandonne pas. Murmure-t-elle.

Je suis condamnée à espérer qu’un voisin de son époque passe par là. Alors je reste et je m’assoie à coté d’elles. Je vais leur parler même si elles ne m’entendent pas, peut-être que dans leur situation elles sentiront ma présence. Mais que leur dire ?

- Bonjour, je m’appelle Chloé, je viens d’une autre époque, et je ne peux malheureusement rien faire pour vous, car personne ne me voit ni ne m’entend, je suis si désolée. Je ne pense pas que vous m’entendiez mais si des fois c’était le cas, y-t-il quelque chose que je puisse faire ?

J’attends mais mes craintes sont confirmées elle n’a aucune conscience de ma présence. Je ne suis pas une fervente croyante, mais dans ces situations il y a des réflexes d’enfant qui vous reviennent. Je récite une prière pensant peut être que cela la soulagera ou lui viendra en aide.

-Je Vous salue, Marie pleine de grâces, le Seigneur est avec vous……et à l’heure de notre mort. Amen.

L’immeuble est désespérément vide.

La vie quitte Chantal doucement, inexorablement et une profonde détresse m’envahit.

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